Qu’est-ce qu’ être kabyle aujourd’hui ?
Vendredi 17 août 2007 | Posté par Idir Hocini
J’ai toujours eu la poisse. Être une minorité culturelle c’est déjà chaud, mais une minorité dans une minorité… Et puis c’est quoi ça être Kabyle ? On n’en parle ni à la télé ni à l’école. Je sais même pas si ça a l’accréditation ISO 9001 « peuple du monde ». En plus les enfants (et les Syriens illettrés venus enseigner en Algérie après l’indépendance ; spéciale dédicace à maman) racontent n’importe quoi. Ils disent que seuls les Arabes sont musulmans et qu’avant eux les Berbères broutaient de l’herbe. Et les voila qu’ils se prennent pour les descendants de ses nobles cavaliers du désert venus empêcher mes ancêtres de manger du porc (mission en partie échouée) et de boire du whisky (mission impossible et je mets aussi les Oranais dans ce cliché).
Nous les Kabyles, on se sent donc un peu seuls. D’autant plus qu’on est relous, qu’on crie pour rien, qu’on jalouse la 405 du voisin, et que nos parents adorent faire des chichis dès qu’on veut épouser une fille qui ne vit pas au village. Sans compter ceux qui parmi nous se prennent pour la race supérieure. Amis arabophones originaires du Maghreb, si vous avez l’impression que dans ces dernières lignes j’ai décrit une partie de votre quotidien, la raison est toute simple : il y a de fortes chances pour que vous soyez aussi arabe qu’un Français est romain et que sommeille en vous un Berbère caché. Beaucoup de Maghrébins qui ont voyagé au Moyen-Orient en ont fait la cruelle expérience, quand des habitants du cru leur ont signifié qu’eux seuls avaient le droit au titre honorifique d’Arabe. Certains se sont éveillés à la berbérité par ce rejet. Après, moi je dis ça, je dis tout. Je répète ce que j’ai lu dans les bouquins d’histoire et de génétique des populations. Ça se trouve, vous descendez tous en ligne directe des premiers califes. Ça ne me pose aucun problème; les ultras-berbéristes qui réclament l’indépendance de leur bout de rocher m’énervent aussi.
L’idée de ce post m’est venue après avoir lu un article dans Marianne sur la communauté berbère de France. Le papier est sympa, raconte des trucs pas mal mais perpétue encore et toujours ce clivage entre Arabes et Berbères qui n’a pas lieu d’être, si ce n’est en linguistique peut-être. Inutile de se diviser plus que ça, même si la division est un sport national au bled. On peut choisir comme moi de voir le bol à moitié vide d’arabisme, ou de le voir à moitié plein, toujours est-il que c’est le même couscous qu’il y a dedans. Celui que mangeait déjà Jugurtha, le Vercingétorix algérien. Certes, assaisonné depuis avec quelques épices venues de l’Orient lointain. Pour finir, je dirais que le couscous n’est qu’à une place de la blanquette de veau. Je donnerai donc ce conseil à tous les enfants d’immigrés, qui comme je l’étais, sont en quête d’identité : avant de vous lancer dans ce genre d’épopée, dites-vous au préalable, que c’est en français que vous pensez.
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